1895 – Le 27 avril rupture de la digue de Bouzey

LA RUPTURE

Le 27 avril 1895, à 5h15 du matin, une formidable déflagration alerta tout le voisinage : la digue de Bouzey venait de céder sous la pression des 7 000 000 m3 d’eau du réservoir. 

En quelques secondes, la pisciculture située au pied du barrage fut submergée et ses occupants emportés par les flots en furie. L’énorme masse liquide s’engouffrant par la brèche de la digue se précipita dans la vallée de l’Avière. Dix minutes suffirent à vider l’immense retenue.

Les berges du canal de l’Est résistèrent un long moment aux flots furieux et l’eau refoula alors en direction de Chaumousey jusqu’à l’entrée du village, inondant même quelques habitations à proximité de l’église et côté Sanchey, se lancèrent à l’assaut des coteaux environnants, ravageant presque entièrement le hameau de Bouzey.  

Lorsque le canal céda, les millions de mètres cubes d’eau reprirent leur course en direction de Darnieulles et d’Uxegney, ravageant au passage le moulin Cossin et le hameau d’Avière. 

À nouveau le torrent fut arrêté dans son avance meurtrière par les lignes de chemin de fer d’Épinal à Jussey puis d’Épinal à Mirecourt entre les talus desquelles il tourbillonna pour s’élever jusqu’au premier étage de la gare de Darnieulles. 

Lorsque ce rempart s’effaça, à son tour plus rien ne pouvait entraver la marche folle de l’eau qui semait la terreur et la mort sur son passage. Uxegney basse, Domèvre-sur-Avière, Perrey, Oncourt, Frizon puis Nomexy furent ravagés par le flot en furie. Dans cette dernière localité, le talus du chemin de fer et les berges du canal de l’Est constituèrent un ultime obstacle avant que les eaux ne s’engouffrent dans la vallée de la Moselle où elles provoquèrent une crue.

De nombreuses habitations (près d’une centaine) avaient été rasées par le flot ; il n’en subsistait que les fondations, recouvertes d’une couche de vase et de détritus de toutes sortes. Quantité de bestiaux avaient péri noyés dans l’Avière et leurs cadavres furent enfouis par des militaires dans des fosses, après avoir été recouverts de chaux, pour éviter des épidémies.

À Darnieulles et à Uxegney, ironie du sort, l’eau vint à manquer, les puits étant comblés et le réseau d’alimentation détruit. Une conduite provisoire ne sera rétablie que le 8 mai. 

Un élan de solidarité se répand dans les Vosges puis dans tout le pays. Un comité est alors chargé de répartir les secours de première urgence.

Et la vie reprend tant bien que mal dans les villages meurtris. Dans l’attente d’une hypothétique indemnisation qui hélas ne compensera pas la perte d’êtres chers.

Des experts sont nommés pour déterminer les responsabilités de la catastrophe. Leur rapport sera publié le 20 janvier 1896.

Il conclut que le terrain sur lequel a été fondé le barrage de BOUZEY est très mauvais et cette fondation vicieuse a causé l’accident de 1884 et l’affaiblissement dû à cet accident a persisté. Il a été une des causes premières de la catastrophe. Il en est de même du tracé rectiligne de l’édifice.

Ces deux vices de construction constituent des fautes. Ces fautes remontent à 1876. Elles incombent aux ingénieurs et au directeur du canal à cette époque.

On note que le profil type de 1876 de la digue est trop faible. Le maintien en 1888 du profil primitif est aussi une faute.

Le procès s’ouvrit le 7 mai 1897 (plus de deux ans après la catastrophe). Il dura une dizaine de jours et se résuma à un duel entre les experts des différentes parties et le 28 mai 1897, le tribunal, malgré les charges accablantes du rapport d’expertise, acquitte les prévenus, deux ingénieurs : MM Denys et Hausser, et les renvoie des fins de poursuites sans dépens.

Les constructeurs et les auteurs du plan de reconstruction de la digue, le conseil supérieur des Ponts, ont échappé à la condamnation, car la loi, en cette matière, fixait la prescription à trois ans.